Libérer le potentiel de croissance en France : telle est l’ambition affichée de la loi Macron pour la croissance et l’activité, qui entre en jeu dans un contexte parlementaire mouvementé.

Elle aura fini par passer. La loi Macron, dont le destin a suscité de vifs débats au sein de l’Assemblée Nationale cette semaine, a finalement été adoptée par les députés en première lecture le 19 Janvier 2015, après le recours au désormais célèbre article 49.3 de la Constitution. Chronique d’un parcours du combattant.

Loi Macron : Que désigne exactement l’emploi du 49.3 ?

La Constitution du 4 Octobre 1958, qui régit la Ve République française, a donné naissance à une arme redoutable contre les majorités récalcitrantes : l’Article 49.3 de la Constitution prévoit en effet la possibilité exceptionnelle d’adopter un texte de loi sans le vote de l’Assemblée Nationale, selon les conditions suivantes :

« Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. » Article 49.3 de la Constitution du 4 Octobre 1958

Enterré depuis 2006, date où Dominique de Villepin l’avait employé pour faire passer la loi sur l’égalité des chances qui incluait le Contrat Première Embauche, l’article 49.3 est réapparu à l’occasion de l’adoption de la très controversée mais ô combien stratégique loi Macron pour la croissance et l’activité. Après réunion du Conseil des Ministres le 17 Janvier, le Premier Ministre Manuel Valls s’est montré déterminé à mettre toutes les chances de son côté :

« Une majorité existe vraisemblablement sur ce texte, mais elle est incertaine. Dès lors, je ne prendrai aucun risque. (…) J’engage donc la responsabilité de ce gouvernement. »

Seul recours possible : le vote d’une motion de censure, que l’opposition s’est empressée de déposer, mais qui a été aussitôt rejetée par l’Assemblée Nationale. Dès lors, le projet de loi Macron a été transféré vers le Sénat, qui doit à son tour statuer sur son sort.

Comprendre la loi Macron

Pour comprendre la loi Macron, il faut s’intéresser au contexte dans lequel elle a été pensée : une reprise de la croissance française qui tarde à intervenir, une nouvelle dégradation de la notation de la France par l’agence de rating Fitch, et des pressions soutenues de Bruxelles sur la réduction du déficit. La loi Macron vise à entamer une réforme profonde de l’économie française, en mettant l’accent sur la compétitivité et l‘attractivité du pays. Pour le Ministre de l’Economie Emmanuel Macron, elle constitue l’ordonnance qui doit guérir la France de ses trois maladies :

« défiance,  complexité et corporatisme. »

Dans cet objectif, la stratégie envisagée par le gouvernement repose sur trois piliers : libéralisation, travail et investissement. Voici un résumé non exhaustif des principales mesures prévues par la loi Macron.

1. Libéralisation

La loi Macron envisage un assouplissement de la réglementation dans certains secteurs :

  • Les transports en autocar : l’exercice de cette activité était jusqu’alors limité par un système complexe d’autorisation. La loi Macron permet une libéralisation du secteur, qui vise d’une part à faciliter l’accès au voyage pour les ménages les plus modestes, d’autre part à créer des dizaines de milliers d’emplois, selon les chiffres avancés.
  • Les professions réglementées (huissiers, notaires, commissaires-priseurs…) : la loi Macron impose une libéralisation de l’installation de nouveaux arrivants, afin de favoriser la concurrence, ainsi qu’une modification des grilles tarifaires afin de réduire les prix sur les actes de la vie courante.

 2. Travail

La loi Macron introduit un assouplissement du travail le dimanche et la nuit. En dehors des « zones touristiques internationales », comprenant Paris, Nice, Cannes, Deauville entre autres, ce sera aux élus locaux de fixer le nombre de dimanches travaillés par an (entre 0 et 12) dans leurs villes, sur la base du volontariat et de compensations salariales obligatoires.
Par ailleurs, la loi Macron instaure un dispositif inédit : la possibilité pour un dirigeant d’entreprise en capacité de financement d’accorder un prêt à une entreprise avec laquelle elle entretient un lien économique (fournisseurs, sous traitant), afin de faciliter les relations inter-entreprises.

 

3. Investissement

Enfin, la loi Macron a également vocation à favoriser l’investissement en France, en particulier dans les PME et ETI. Trois mesures vont spécifiquement dans ce sens :
  1. Attribution de Bons de Souscription de Parts de Création d’Entreprise (BSPCE) : Les BSPCE permettent aux salariés de prendre des participations au capital de leur entreprise à un prix fixé le jour de l’attribution, en vue de réaliser une plus-value lors de la revente. La nouveauté de la loi Macron, c’est que les start-ups pourront attribuer des BSPCE sur leurs titres à tous leurs salariés, y compris ceux de leurs filiales détenues à plus de 75%.
  2. Attributions Gratuites d’Actions (AGA) : Des franchises de cotisations sociales et patronales seront mises en place pour les PME n’ayant jamais versé de dividendes, afin d’encourager la distribution gratuite d’actions à leurs salariés. Par ailleurs, la détention de ces titres gratuits sera imposée comme les plus-values mobilières, et non comme un revenu d’activité, ce qui permettra aux salariés de bénéficier d’un  abattement de 50% pour les titres détenus depuis deux ans, et de 65% au-delà de huit ans.
  3. Délai de détention des titres pour défiscalisation : La loi Macron assouplira le dispositif ISF-PME de la loi Tepa, en réduisant de 3 ans le délai de détention obligatoire des titres avant d’accéder à la défiscalisation sur les investissements réalisés via une société intermédiaire (holding), portant donc ce délai à 7 ans minimum.

Cette dernière mesure favorise ceux qui investissent dans le capital risque, et notamment les investisseurs de Sowefund, qui verront leur horizon de détention de parts se réduire pour bénéficier d’avantages fiscaux. Une bonne nouvelle pour Sowefund et toute l’industrie de l’equity crowdfunding, qui connaît aujourd’hui un essor fulgurant, avec plus de 200% d’augmentation des fonds collectés en 2014 par rapport à 2013 !

Ecrit par Capucine Marteau le 24 Février 2015

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