La révolution numérique est un véritable sujet de gouvernement, qui a intégré les secrétariats d’Etat et ministères depuis la fin des années 1990 en France. Le gouvernement du dernier quinquennat a beaucoup œuvré pour valoriser l’innovation numérique des entreprises françaises et favoriser l’accès de tous les concitoyens aux outils digitaux. A la veille du second tour des présidentielles, focus sur les propositions des deux candidats à la présidentielle : Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

La connectivité : haut débit sur tout le territoire, formation et accompagnement aux outils numériques

Les deux candidats s’entendent sur l’objectif de couvrir tous le territoire, mais diffèrent dans les moyens de l’assurer.

Marine Le Pen met cependant l’accent sur la connectivité des zones rurales, pour leur pourvoir haut débit et couverture téléphonique, encore faible dans certaines zones de France. Pour cela, l’Etat encouragerait des investissements d’infrastructure (mais elle n’en précise pas le montant ni les modalités).

Emmanuel Macron souhaite combler toutes les zones blanches encore existantes en France, et assurer un très haut débit mobile ou la fibre optique partout sur le territoire. Les opérateurs télécoms n’assurant pas cette connectivité d’ici à la fin du quinquennat seraient financièrement sanctionnés.

A noter qu’un plan de connectivité générale a déjà été lancé par le gouvernement, le plan France THD (pour Très Haut Débit), et est encore en cours pour couvrir toutes les régions de France. A la fin 2016, 50% de la population française bénéficie du très haut débit, ce qui constitue une avance sur le calendrier du plan, mais l’effort doit encore être poursuivit pour atteindre les 100%.

Enfin, pour accompagner la connectivité physique du territoire, Emmanuel Macron propose de lancer un programme d’accompagnement et de formation aux concitoyens éprouvant des difficultés à utiliser les outils numériques (internet, télévision, téléphonie mobile), afin que la connectivité soit également une question d’inclusion des personnes en difficultés face aux nouvelles technologies et modes de communication. Ces aides et formations seront réalisées par des associations, avec l’aide des collectivités.

Administration et e-citoyenneté

Cette dernière mesure d’Emmanuel Macron va de pair avec son projet de rendre 100% des services administratifs numériques d’ici à 2022. Toutes les démarches devraient pouvoir être réalisées par les citoyens depuis leur ordinateur ou smartphone, allant de la demande de documents d’identité, à la procuration de vote, en passant par la participation à de nouvelles formes de citoyenneté, au suivi des droits et démarches administratives (allocations, sécurité sociale, fiscalité, etc.). Chaque Français aurait un compte citoyen unique en ligne, regroupant toutes les démarches pouvant actuellement être réalisées sur les portails en ligne des administrations, et ajoutant de nouvelles fonctionnalités au fur et à mesure de l’avancée de ce projet. Emmanuel Macron envisage même de rendre numériques les démarches judiciaires, à travers un portail permettant aux citoyens de consulter leurs droits et devoirs, échanger simplement avec leur avocat si besoin, transférer des documents.

Surfant sur la tendance des Civic Tech, le candidat d’En Marche propose également de soutenir les initiatives rapprochant les citoyens de leurs élus, grâce à des applications et des services en ligne. Les citoyens pourraient s’exprimer sur des sujets de gouvernements nationaux ou locaux, grâce au vote en ligne, participer à la rédaction de textes réglementaires, proposer des réformes, donner des idées, interpeller certains élus sur des questions précises, etc.

De son côté, Marine Le Pen n’envisage pas la numérisation de tous les services publics, et ne s’est pas exprimée sur le potentiel de la e-administration et de la e-participation citoyenne. Quelques services publics seraient digitalisés afin de mieux assurer en assurer le suivi.

Données personnelles et protection de la vie privée des internautes

Les propositions des deux candidats sont encore assez floues concernant la protection des données des internautes.

Marine Le Pen souhaite soumettre toutes les entreprises, françaises ou étrangères, récoltant les données de concitoyens français, à une obligation de stocker ces données sur des serveurs basés en France, afin de protéger la souveraineté de ces données numériques. Cette proposition serait intégrée dans une charte de protection des données ayant valeur constitutionnelle. A noter que le principe de protection des données et de la vie privée des internautes est déjà inscrit dans la Constitution française.

Emmanuel Macron de son côté propose de développer des outils permettant de garantir la transparence et le contrôle de l’usage des données personnelles, à la fois par les acteurs du numérique et par les internautes eux-mêmes. Cette proposition va dans le sens de la législation européenne dont la mise en application est prévue pour 2018 et impose aux fournisseurs de services en ligne d’assurer la portabilité et le contrôle des données aux internautes. Emmanuel Macron souhaite d’ailleurs faire de la protection des données numériques un pilier de la collaboration européenne, à travers la création d’une agence européenne dédiée, dont la mission serait de réguler l’utilisation des données par les grandes plateformes numériques.

Le candidat envisage également de renégocier l’accord du Privacy Shield, entre l’UE et les Etats-Unis. Cet accord donne l’autorisation aux entreprises basées en France de transférer les données qu’elles détiennent à des entreprises basées aux Etats-Unis, à condition que ces dernières soient enregistrées auprès de l’administration américaine. La renégociation porterait sur la sécurisation de ces données.

Enfin, il propose de créer une banque de données réutilisables, anonymisées, permettant aux entreprises françaises de bénéficier d’informations statistiques leur permettant de réaliser des études.

Economie et mutation du droit du travail

La révolution numérique bouleverse de nombreux de pans de notre économie, et pour certains d’entre eux, la transition reste difficile à opérer.

Pour les entreprises, Emmanuel Macron propose d’accompagner les TPE et PME dont les salariés ont besoin d’une formation à l’usage de nouveaux outils numériques. Cette aide permettrait de rendre les équipes et entreprises françaises de plus en plus compétitives, tout en sachant déjà qu’elles présentent des avantages concurrentiels par rapport à leurs voisins européens dans ce domaine.

Il veut aussi favoriser et accélérer l’investissement dans les start-ups françaises (numériques), notamment grâce à la création de deux fonds :

  • Un Fonds européens de financement en capital-risque doté de 5 milliards d’euros pour les start-up
  • Un fonds d’investissement pour l’industrie et l’innovation françaises, de 10 milliards d’euros, doté grâce à la vente des titres d’entreprises détenues par l’Etat français.

Par ailleurs, le rôle de Bpifrance, déjà très actif en France comme acteur du capital-risque, sera renforcé.

Les dispositifs fiscaux accordés aux entreprises jeunes et innovantes en France seront maintenus. Via ces mesures d’investissements et de soutiens aux jeunes entreprises, Emmanuel Macron souhaite développer et maintenir l’avantage concurrentiel français dans le numérique.

De son côté, Marine Le Pen favorisera l’innovation des start-ups et PME en maintenant les dispositifs de crédit d’impôt pour la recherche et l’innovation et orientera 2% des montants investis dans l’assurance-vie vers le capital-risque. Par ailleurs, le budget public orienté vers la recherche sera augmenté de 30%, pour atteindre 1% du PIB français. La candidate du Front National envisage également d’empêcher les start-ups bénéficiant de soutiens publics de se vendre à des sociétés ou fonds étrangers afin de conserver l’innovation sur le territoire français.

Face aux mutations économiques et laborales induites par la révolution numérique, Marine Le Pen nommerait un Secrétaire d’Etat dédié aux mutations économiques, dont la mission serait d’analyser et répondre aux évolutions économiques et du travail dues notamment au numérique (économie collaborative, ubérisation, robotisation, etc.). Son objectif serait d’échanger avec les secteurs et entreprises concernés, élaborer une réglementation prudente assurant une concurrence loyale sur le territoire, entre les entreprises françaises entre elles et avec les étrangères.

Santé

Le secteur de la santé n’échappe pas au programme numérique du candidat d’En Marche. L’avènement des objets et outils connectés permet aux individus de suivre leur santé ; Emmanuel Macron pense promouvoir la télémédecine grâce à des objets, permettant aux médecins de suivre de manière non intrusive leurs patients, et d’agir à temps en fonction des données récoltées pour des personnes à risque. Il souhaite déployer d’importants investissements en ce sens, sans avoir encore précisé le montant les moyens alloués à ce grand projet.

Marine Le Pen propose de créer une carte de sécurité sociale biométrique, associée à la carte nationale d’identité, dans le but de contrôler et lutter contre la fraude à la sécurité sociale. Elle souhaite également investir dans de « nouveaux outils numériques » permettant de réaliser des économies pour la Sécu.

Conclusion

Emmanuel Macron s’inscrit dans la continuité du quinquennat de François Hollande, ayant mis l’accent sur une numérisation transverse de la société et de l’économie. Ses propositions vont dans le sens d’une numérisation progressive des services publics, de l’économie et de la vie quotidienne des citoyens. De son côté, Marine Le Pen envisage plutôt une numérisation prudente, sectorielle, afin de préserver certains pans de l’économie mis en péril par la révolution numérique et pas encore préparés à cette transition. Elle adopte une position plus conservatrice sur ce sujet.